JOUR 3 : UNE TROISIÈME SOIRÉE JUSQU’AU PETIT MATIN
Après un démarrage difficile le premier jour et une seconde journée placée sous le signe des grands écarts, le Pitchfork Music Festival finit la cinquième édition de son événement parisien en grandes pompes et avec quelques beaux déguisements dans la foule. Au menu : Laurent Garnier, John Talabot b2b Roman Flügel, Hudson Mohawke, Ratatat, Run The Jewels, Unknow Mortal Orchestra et Curtis Harding. Bref, beaucoup à dévorer et une troisième journée aux allures de Route du Rock qui nous permettra d’éviter de revivre les désastres Hinds et John Father Misty. [Lire le report sur la Route du Rock.]
L’incroyable découverte Curtis Harding ou l’autre coup de coeur du Pitchfork
A peine arrivé, direction la Grande Scène pour découvrir Curtis Harding. Venu tout droit du fin fond du Michigan avec sa guitare électrique bien usée aux entournures et sa clope au bec, il a cette image du soul man rêvé des seventies. Sauf que Curtis Harding est bien ancré dans son époque. Curtis Harding puise dans la soul pour proposer un blues rock bien viscéral. Un live à l’image du titre de son excellent album Power Soul. Caché derrière son masque d’Halloween, Curtis Harding touche par sa timidité, impressionne par la voix et la force de certains titres, comme Keep on Shining en final. Curtis Harding a beau avoir commencé sa route il y a peu, le voyage qu’il nous offre est déjà hors du temps. L’excellente surprise de cette journée. L’autre coup de coeur après Moses Sumney.
La musique noire est à l’honneur de ce début de journée. Après la power soul de Curtis Harding vient la sensation R&B Nao. Bien que le set soit propre, il reste bien trop propre pour impressionner. On a apprécié néanmoins la voix superbe de Nao, ses déhanchés chaloupés, sa volonté d’ambiancer.
Unkown Mortal Orchestra ou la délicieuse surprise de la soirée
Attention délice. Autant le dire de suite aussi. Unkown Mortal Orchestra est certainement ce qu’il y a eu de mieux sur scène durant les trois jours du Pitchfork. Ruban Nielson a réussi là où beaucoup d’autres ont échoué : en trois disques, il a rendu la musique psychédélique praticable, sans rien lâcher au niveau de l’ambition. Le dernier disque en date de son groupe Unknown Mortal Orchestra, Multi-Love, est parfaitement nommé : il articule la pop sans concession de MGMT, la palette de couleurs de Tame Impala, un jeu de guitare tout en arpèges et des ritournelles romantiques à souhait. De quoi tomber mille fois amoureux de cette musique à tiroirs, faite pour le corps autant que l’esprit. Et il faut croire que le coup de foudre a été immédiat et intense avec Unkown Mortal Orchestra et son public ce soir là. Bien que le mix du son ait été porté un peu trop sur les instruments que sur la voix magnifique de Ruban Nielsen, ce concert reste encore bien ancré dans le coeur. C’est comme ça, on pardonne tout à son crush de festival.
Le live de Unknow Moral Orchestra à revoir en fin d’article.
La révolte Run The Jewels ou l’assurance d’un gros bon moment de sport
D’un côté, Killer Mike, légende vivante de la scène rap d’Atlanta ayant notamment traîné avec OutKast. De l’autre, El-P, ancien membre de Company Flow, évoluant aujourd’hui en solo et produisant une tonne de jeunes rappeurs. Leur duo s’appelle Run The Jewels et c’est ce qui est arrivé de mieux au rap américain ces dernières années. Leur deuxième album sorti l’année dernière, dans lequel on retrouve notamment Zack de la Rocha de Rage Against The Machine, est presque dangereux, et leur passage au Pitchfork Music Festival Paris est un petit événement en soi. Alors forcément la scène a pris feu dès leur entrée sur The Show Must Go On de Queen. Torride. “On est en train de transpirer parce qu’on est p*tain de trop gros”, lâchent les Run The Jewels, et nous alors ! El-P et Killer Mike sautent, dansent, interpellent la foule, lèvent le poing… Et nous avec. Ils finissent par offrir un des concerts les plus bouillants du festival. Enfin un putain de show hip hop au Pitchfork. Bien trop rare dans la programmation au global chaque année. La hargne du gang est à la hauteur de leur gentillesse à offrir le plus possible à leurs fans, venus en masse les rencontrer. Grosse perf’.
Le live de Run The Jewels à revoir en fin d’article.
Ratat… ouille
Aux maîtres de cérémonies suivent les guitar hero. Malheureusement, tout se résume au titre. Le grand spectacle promis par Ratatat n’a été qu’un petit désastre, miné par d’innombrables problèmes techniques, une belle envie mais trop peu de montée en puissance. Bien que Mike Stroud et Evan Mast ont réussis à se créer ce son inimitable, il a paru bien pâle dans l’immensité de la Grande Halle. La scénographie démente à base de light show total, laser et projections d’hologrammes paraîtra presque ridicule. On regrettera même d’avoir pris des forces pour Ratatat et mis un peu de côté Spiritualized du coup. Clairement pas à la hauteur de l’attente.
Le live de Spiritualized et Ratatat à revoir en fin d’article.
After Party RBMA avec Hudson Mohawke, John Talabot b2b Roman Flügel et Laurent Garnier bien sûr
C’est parti pour le marathon de la nuit. Première étape : Hudson Mohawke en live. Le petit prince du trap music installe une ambiance d’entrée de jeu avec cette scénagrophie digne d’Halloween, toute en noirceur, toiles d’araignée et lumières en raz de scène. Dès les premiers beats, on a comme l’impression d’être capté direct, voire collé comme une mouche sur les toiles d’araignée, mais ce mélange d’hip-hop instrumental, house, ghetto tech, musique de jeux vidéos devient à force assez indigeste. Entre montée et descente, l’ensemble devient rapidement foutraque. Entre noir complet et lumière aveuglante, on est vite lassé de ne rien pouvoir voir de la scène. Je quitte le monde, le temps est venu de passer au ravitaillement et de prendre des forces pour continuer la nuit. A regret quand j’entends au loin les premières notes de Chimes au loin.
Deuxième étape : John Talabot et Roman Flügel sur la Grande Scène du festival. Alors que Hudson Mohawke avait décidé de prendre son temps pour tout balancer dans un grand final, le duo du soir balance tout dès les premières minutes. Même pas le temps d’attacher sa ceinture qu’on décolle très haut grâce à cet savant mélange entre la house hypnotique et sensuelle du Barcelonais et la techno bien lourde de l’Allemand. Une mise en bouche idéale avant le grand final Laurent Garnier.
Troisième étape et sprint final : Laurent Garnier. Sans conteste, le meilleur à son poste depuis des années et encore une fois il n’a pas déçu avec un set techno raffinée dont lui seul à le secret. Il est inutile de présenter celui qui survole, depuis bientôt 30 ans, le paysage électronique français. Depuis sa “formation” à Manchester, Laurent Garnier ne cesse de se poser en défenseur de la cause techno, style qu’il réussit à transcender à chaque sortie, se réinventant sans cesse. Auteur d’une série de maxis sortis en 2014 et contournant ainsi un format album selon lui éculé, il reste un DJ hors pair, capable de s’émanciper des conventions du poste pour passer ce qu’il veut, quand il veut. Ça tombe bien, c’est exactement ce qu’on attendait de lui. Un set que vous pouvez écouter grâce à la radio du festival RBMA. Un set entre house bien deep, techno bien sombre, trance bien acide. Un régal pour tenir jusqu’au petit matin sans même sans rendre compte. Un magicien que vous pouvez suivre désormais sur Radio Meuh car il a repris ses fameuses émissions It Is What It Is.
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Les Tops, les Flops
Les tops :
- La folie Thom Yorke, Laurent Garnier et Battles
- Les découvertes Curtis Harding et Sumney Moses
- Le romantisme de Unknow Mortal Orchestra
Les flops :
- Les gros problèmes de sons sur la premier jour
- Ariel Pink
- Ratatat
Merci à Greenroom pour m’avoir permis de vivre le Pitchfork encore cette année.
Découvrez d’autres dessins de Loouo dans son projet Tiny Morning Sketch.
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