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Rock ‘n’ roll sad, l’histoire du premier batteur d’Oasis

oasis

Les marches de la gloire

La tournée passe. Le groupe bosse sur la suite, Noel compose. Some Might Say sort en single le 24 avril 1995. Il s’agit du dernier titre enregistré avec Tony McCarroll à la batterie, et également du premier single du groupe à se classer numéro 1 des charts. Tony : “Je ne sais pas si je vois l’ironie, mais je vois l’impact. Et cela n’a pas de sens. Leur single est numéro 1, c’est le premier, et ils virent le batteur. Bizarre comme décision. Je ne pourrais jamais comprendre. Encore aujourd’hui, je ne pige pas comment les choses ont pu dégénérer à ce point. Vraiment”.

La presse annonce qu’après une ultime engueulade avec Liam Gallagher dans les coulisses du Bataclan, à Paris, décision a été prise de se débarrasser de Tony McCarroll, batteur et membre fondateur du groupe (“cette engueulade n’a absolument jamais eu lieu, je ne m’engueulais jamais avec Liam, jamais”). L’intéressé se souvient surtout de Noel, le jour-même, lui disant qu’il n’a “pas dormi de la nuit, je ne t’aime pas, toi et ta copine, alors ne m’oblige pas à te virer”. Quelques semaines plus tôt, Guigsy annonça fièrement, et avec le sourire, à son ancien pote de batteur, que Noel avait ajouté une clause au contrat lui laissant le contrôle et le droit de virer n’importe qui, et surtout Tony. Et le soir du concert parisien, alors que le groupe quitte la scène, The Chief annonce qu’il souhaite faire un rappel. Mais Oasis ne fait jamais de rappel. Pas leur genre, tout simplement. Et pourtant, ce sera Supersonic. L’intro est aisément identifiable, et c’est la batterie de Tony qui résonne dans la salle quand il remonte à sa place, seul devant la foule. Le batteur est heureux, prend son pied, et le groupe, sur le côté de la scène, le laisse profiter de cette intro durant trois bonnes minutes. “Je crois, avec le recul, que c’était un cadeau de départ”.

Reste à assurer une prestation dans la mythique émission de la BBC Top Of The Pops, puis un concert à la Sheffield Arena. 15000 personnes, complet. Oasis remplit désormais les stades. Ce sera le dernier concert de Tony avec le groupe. Alan White a déjà été embauché pour prendre sa place. Mais il ne le sait pas encore. “J’avais une horrible sensation dans le bide apès Top Of The Pops. Liam se tourne vers moi, et me dis “Tony”. Je lui répond “qu’est ce qu’il y a ?”. Et il me dit “non, rien”, en tournant la tête”.

Excuse moi, il n’y a aucune bonne façon de te l’annoncer. Tu ne fais plus partie du groupe.

Le 30 avril 1995, le téléphone sonne. Au bout du fil, Marcus Russell, le manager. Les choses se font très simplement: “Excuse moi, il n’y a aucune bonne façon de te l’annoncer. Tu ne fais plus partie du groupe”. Rien de plus. “Les premiers jours après l’annonce, j’ai beaucoup bu, je ne vais pas te mentir. J’étais sous le choc. Puis, j’ai du accepté la situation, je ne pouvais rien y faire. Je voyais une américaine, à l’époque, donc j’y étais souvent. J’avais besoin de m’éloigner de tout ce cirque, de mes souvenirs. Et Oasis, à ce moment là, était absolument partout, et ce n’était pas prêt de changer. Le plus grand groupe du monde, rien que ça. Il n’y en avait que pour eux. Je devais me barrer. Je ne voyais pas le succès du groupe comme les autres le voyaient”. Son vieux pote Bonehead l’appelle, prend des nouvelles. Mais Noel, non. Jamais.

Un mois après le coup de fil de Marcus, Tony panique. La rumeur circule selon laquelle il ne toucherait pas un centime pour son travail avec le groupe. Le contrat qu’il a signé le mettrait sur la touche, malgré le travail accompli. Il contacte donc la Musician Union, le syndicat, qui le met en contact avec Jens Hills. L’avocat est rodé à l’exercice, puisqu’il répresente Pete Best, le cinquième Beatles mis sur la touche (“Là, je vois l’ironie”). Il l’avertit de ce qu’il va se passer. De la presse, de la violence… Sur ce sujet, la bio de Tony McCarroll ne rentre pas dans les détails. Il n’en a pas le droit. On sait qu’un accord à l’amiable est trouvé: 550.000 livres, soit environ 750000 euros. En échange, il abandonne ses royalties, ne touche plus rien sur les ventes de Definitely Maybe (uniquement sur les passages en radio) et oublie le groupe.

Aujourd’hui, il est associé dans une entreprise de travaux publics. “J’étais soulagé, mais peu importe le résultat: j’étais le loser car je ne faisais plus partie du groupe”. L’objet de la plainte, qui était de toucher des sous sur le contrat de cinq albums signé avec Sony et Creation, alors qu’il ne joue que sur le premier, fit de lui la risée des médias. Alan McGee, qui aurait pu être amené à comparaître si l’accord n’avait été signé et s’ils étaient allé jusqu’au procès, doute du bien fondé de l’affaire : “Quand il a décidé d’attaquer le groupe, j’ai pensé, “tu as eu ta part du gâteau, tu touches encore des sous, tu devrais t’en contenter”. Je ne connais pas les détails, mais je sais que ça s’est réglé en coulisses, et je ne suis pas sûr qu’il soit sorti gagnant de cette affaire”. Craig Gill, peut être dans une sorte d’élan de solidarité entre batteurs, ne voit pas les choses ainsi: “Tony n’a escroqué personne, on lui devait cet argent. Mais il était l’ancien batteur qui entrait en procès contre le plus grand groupe du pays, une situation pour le moins compliqué. Beaucoup de choses ont été dites à l’époque, des choses injustes, et des choses fausses. Noel se moquait de lui, racontant partout qu’il était un très mauvais batteur. Et quand Noel parlait, on l’écoutait. Pas Tony. On veut toujours imaginer son groupe préféré comme une grande, belle et heureuse famille. Ce procès a démontré que pour Oasis, ce n’était pas le cas. Mais Tony avait besoin de cet argent, et je ne sais même pas s’il a réellement touché ce qu’il méritait, car les deux parties ont trouvé un arrangement. Noel aurait pu être plus cool”.

Et maintenant ?

“J’étais jeune, j’avais 22 ou 23 ans quand nous avons connu le succès. J’ai par la suite réalisé beaucoup de choses. On me devait des choses. Je ne peux pas en parler plus précisemment, mais mon avocat me demandait “étiez-vous au courant de cela ?”, et la réponse était non. Et cela ? Non. Bref… Ce n’était pas juste. Je n’ai pas hésité, mais j’étais sous le choc. Et je ne pouvais pas les laisser s’en sortir. C’était moralement mal. Sans vouloir leur manquer de respect, il s’agit de la loi. Et ce qu’ils ont fait, ils n’avaient pas le droit de le faire à qui que ce soit. Et autour de moi, les gens étaient de mon avis, donc j’y suis allé. Je ne voulais pas, ce n’était en aucun cas personnel, et je voudrais pouvoir le dire au groupe, leur expliquer. J’adorerais leur en parler. Et je suis certain qu’aujourd’hui, ils comprendraient. Mais à l’époque, ils étaient entourés de managers, de patrons de maisons de disque. Il était difficile de comprendre quoi que ce soit. Mais rien n’aurait dû se passer ainsi, ce n’est pas comme ça que le groupe s’est formé. Ils ne m’ont jamais parlé, et je pense qu’on aurait pu ne pas aller jusque là”.

Mais alors, que faire quand on est, à même pas trente ans, l’ancien batteur d’Oasis ? Tony monte un groupe, Raika. Il enseigne: “Dans la foulée d’Oasis, beaucoup de jeunes se sont mis à la guitare, la batterie, la basse… J’ai donc voulu contribuer à ça, et j’ai donné des cours, j’ai ouvert un local, où ils pouvaient venir pratiquer. Ce n’était pas vraiment professionnel, mais ces gamins ne faisaient rien de leurs journées. J’y ai vu beaucoup de talents, j’ai essayé de les aider. J’y ai aussi une opportunité de ressentir la vibe de nouveau. Quant à Raika, c’était moi, mes deux frères, et un lad du nom de Dan Greenwood. Nous n’étions pas assez bons pour cartonner. Former ce groupe, tout le monde allait forcément comparer avec Oasis”. Et finalement, c’est en 2010 que sortira enfin sa vérité, une autobio sobrement intitulée Oasis : The Truth, quinze années après son départ. Pourquoi attendre aussi longtemps ? “Des années de lecture de conneries à mon sujet, de la part de Noel et Liam, qui ne comprenaient pas ce qui me faisait avancer, ça a dû jouer sur mon envie d’écrire ce livre. On s’en est pris à mon jeu, et qui mieux que moi pouvait me défendre ? J’ai commencé ce livre avant la fin du groupe. Je suis content de l’avoir écrit”. Quand Oasis se sépare, en 2009, dans les coulisses du festival Rock En Seine, Noel Gallagher publie un communiqué, expliquant que “les menaces et les intimidations à l’encontre de ma famille, de mes amis et de ma personne, et le manque de soutien des autres membres du groupe, sont devenus insupportables”. Tony se marre. L’arroseur arrosé.

J’avais contribué au son de Definitely Maybe.

C’est l’histoire d’un mec qui ne sera jamais une immense star, mais qui a pu, l’espace d’un instant toucher du doigt son rêve le plus fou. Il n’était pas le plus grand batteur du monde, mais il était le batteur qu’il fallait à ce moment là. Et s’il était resté ? L’intrigue aurait-elle été différente ? Peut-être. 2016. Liam Gallagher prêche pour une reformation d’Oasis. Qui arrivera, sans doute, mais Tony ne sera jamais de la partie. Il ne lit plus le Sun (“enfin, plus tous les jours”), continue de pratiquer la batterie, c’est ce qu’il aime. Et, plus d’un quart de siècle après avoir croisé la route des frères Gallagher, ironise sur la britpop, devenu un marché nostalgique. La presse, pendant ce temps, l’ignore, et cela lui convient très bien: “Tu es ma première interview depuis des années. Je suis surpris de répondre à tes questions. Une fois le procès terminé et la bio sortie, j’étais content de me faire discret. Mais avec la sortie du bouquin, je suis également heureux que les gens aient compris qui j’étais, et que j’avais contribué au son de Definitely Maybe. Et l’aura de cet album n’a plus jamais été capturé. Je suis fier de cela. J’étais là”.

Restent donc quelques vagues souvenirs. Les fans ont en mémoire la tête d’un mec sur une pochette. Un type qu’ils n’ont jamais vraiment connus. Tony, lui, n’hésite pas une seule seconde au moment de choisir un souvenir, un seul: “Monter sur la scène de Glastonbury. Nous étions jeune, il était trois heures de l’après midi, et nous avons attiré 40000 personnes. C’était incroyable, et ce n’était jamais arrivé avant. Tout le monde parlait de nous, nous étions the next big thing. Rien ne peut battre ça”. Et rien ne le fera.

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