C’est une décision unanime. L’opinion publique a eu la peau de Karim Benzema. Le meilleur attaquant français de ces dernières années ne fera pas l’Euro. Bien loin de moi l’idée d’en faire un martyre ou de devenir analyste footballistique en vue de gagner deux-trois places au stade, il y a juste dans cette décision quelque chose qui me gêne. Et vu que j’en parle pas mal au comptoir, autant en écrire quelques mots ici aussi.
C’est officiel depuis son tweet et la confirmation quelques minutes plus tard par la FFF dans un communiqué, Karim Benzema ne disputera pas l’Euro 2016 en France. L’attaquant madrilène a été impliqué dans de trop nombreuses affaires judiciaires. La dernière étant la fameuse sextape de Valbuena. L’affaire de trop qui aura scellé le sort du nouvel enfant terrible du football français. Didier, Noël, Manuel et les autres 66 millions de sélectionneurs ont pris la décision. C’est irrévocable. Les Bleus iront donc disputer leur l’Euro sans son meilleur attaquant (sportivement parlant).
Malheureusement pour moi et pour tous ceux qui m’ont toujours soutenu et supporté. Je ne serai pas sélectionné pour notre Euro en France…
— Karim Benzema (@Benzema) 13 avril 2016
Personna non grata du football Français
La dernière fois que l’équipe de France s’est privée de son attaquant le plus performant pour une compétition internationale, c’était lors de l’Euro 1996. Rappelez-vous, Aimé Jacquet choisit alors de se passer d’Eric Cantona ; l’un des footballeurs les plus flamboyants du moment n’ira pas en Angleterre, jouer sur les terres de son sacre personnel. Ou comment se passer du King pour des raisons “strictement sportives”. Après une phase éliminatoire plutôt pénible, les Bleus traversent la Manche direction les phases de poules. En sortent premier du groupe certes, mais toujours dans l’adversité. Après un premier 0-0 en quart, ça passe aux tirs au buts face aux Pays-Bas, mais après un deuxième 0-0 en demi, les Bleus sont éliminés par la République Tchèque avec 5 buts au total de toute la compet’. Bilan satisfaisant pour certains, décevant pour d’autres. Et premier souvenir de football me concernant, c’est pour ça aussi que j’ai envie d’en parler un peu. Zidane, Djorkaeff, Blanc & co ont mis leurs premiers crampons en Bleu dans cette aventure et su éveiller en moi l’idée d’aimer ce sport si con où tout n’est que tape du pied dans un ballon.
Certes, Cantona éblouissait l’Angleterre mais son talent a rarement été aussi éclatant en équipe de France. Le grand écart pourrait être évident avec l’histoire de Benzema ; il semblerait que l’histoire se répète. Lui qui fait les belles heures de son Real mais qui pourtant a toujours eu du mal en Équipe de France ? Si certains ont jugé sa dernière Coupe du monde mitigée, voire décevante, le garçon était pourtant au sommet du classement des meilleurs joueurs de la compétition. Néanmoins le public lui en voudra de n’avoir pas su marquer face aux Allemands.
L’opinion publique, ce bourreau de Benzema
Le premier problème dans cette histoire c’est que la présomption d’innocence n’existe pas pour tout le monde. Bien sûr, si Sarkozy se présente dans un tribunal, à la vue de son personnage, on crierait avec plaisir sa culpabilité. Néanmoins, d’autres argumenteraient sur son innocence. Pour un footballeur, la présomption d’innocence est à chaque fois bafouée. Ils sont coupables de tous les maux, à tous les instants. Comme si ils étaient redevables de quelque chose vis-à-vis de leur public. Qu’est-ce qu’on en a à foutre qu’ils trompent leur femmes avec des prostitués ? Qui a envie de voir un nain grimper sur sa femme ? À gagner des millions en tapant simplement dans un ballon ferait alors d’eux des citoyens forcément irréprochables. Des exemples à suivre. Parce que le sport est trop important pour la jeunesse. Comme le déclare les politiques, Valls en tête, Kanner toujours derrière, non sans gêne.
“Le président et le sélectionneur tiennent à rappeler que la performance sportive est un critère important mais pas exclusif pour décider de la sélection au sein de l’équipe de France. La capacité des joueurs à œuvrer dans le sens de l’unité, au sein et autour du groupe, l’exemplarité et la préservation du groupe sont également prises en compte par l’ensemble des sélectionneurs de la Fédération. Il en résulte que Noël Le Graët et Didier Deschamps ont décidé que Karim Benzema ne pourra pas participer à l’Euro 2016.” – déclaration de la FFF
Dans ce communiqué de la FFF, on peut comprendre que cette décision ne s’est pas faite sur le critère judiciaire. De toute façon, plus rien ne l’empêchait de jouer. Il s’agit ici alors d’exemplarité. Sur tous les terrains Benzema est pourtant le meilleur joueur français depuis bien 3-4 ans. Exemplaire en tout cas, vu qu’il n’a jamais reçu de cartons rouges dans toute sa carrière. Parlons un peu de Cantona ou demandez à Zidane de tête combien de cartons rouges il a reçu lui ? Il n’y a pas de discussion sur ce point. Aussi bien en club qu’en Bleus, ces stats n’ont jamais cessé de progresser, et il a souvent été au rendez-vous des grands matchs. On a remercié Sakho, mais c’est bel et bien Benzema avant tout, et avec sa bande, qui sont allé qualifier l’Équipe de France pour la Coupe du Monde, face à l’Ukraine un soir de match dont on garde encore le sourire.
L’affaire Zahia ou une Marseillaise plutôt crachée que chantée ont fait de Benzema un multirécidiviste en la matière. Il n’a jamais eu les faveurs de l’opinion publique. Sa “non-exemplarité citoyenne” et sa “personnalité de fausse racaille” n’ont jamais été acceptés. Persona non grata et délit de faciès. Malgré ses matchs, malgré ses buts, malgré son apport indiscutable aux Bleus. L’enfant des banlieues lyonnaises subit ce non choix sportif. La FFF ne veut pas d’un joueur qui ne serait pas exemplaire, qui pourrait subir des pressions du public, qui pourrait mettre une pression négative autour du groupe. Qui pourrait surtout ne pas plaire aux annonceurs français. De l’auto-censure marketing. Se priver des meilleurs joueurs car ils ne plaisent pas à tout le monde, aussi bien en dehors qu’à l’intérieur des vestiaires.
L’exemplarité et la morale en pleine lucarne
Le deuxième et réel problème est l’exemplarité de Benzema. On pourrait croire que tout cela résulte encore et toujours de Knysna, mais il n’était même pas là. Alors qu’Evra joue encore le rôle de grand frère et de “capitaine” de vestiaire. Heureusement pour lui, aucun ne lui arrive à la cheville à son poste (vous dire le niveau…). Parce qu’au final, on aura qui en pointe ? Un joueur qui n’est même pas titulaire chez les Gunners ou un joueur qui a préféré s’exiler dans un championnat exotique pour l’argent ? Karim était l’attraction de la Ligue 1 et il est aujourd’hui une star en Liga. Les joueurs qui l’ont côtoyé ou le côtoie l’adorent. À l’exception d’Hugo Lloris et Patrice Evra qui ne partagent pas cet avis. Ils ont été sondé par le sélectionneur avant de prendre sa décision. Les vestiaires des Bleus ne veulent pas entendre parler de ses affaires. Surprenant de la part de ceux qui ont ridiculisé leur maillot durant la Coupe du Monde 2010 pour protéger leur pote ; l’autre attaquant maudis du football français. Anelka celui qui insulte son sélectionneur.
L’Euro des Bleus doit être exemplaire. Le Gouvernement a éliminé sa cible. Valls en tête, Kanner toujours derrière. Le Barcelonais a réussi sa campagne de diabolisation contre le Madrilène. Une exemplarité exigée par ceux qui aiment réagir et juger, mais qui sont incapables d’agir dans le bon sens commun. Karim sera donc déchu de sa nationalité sportive au nom de l’exemplarité. Cette même exemplarité qui n’empêche pas d’autres sportifs, condamné par leurs fautes, de continuer à jouer au Handball avec le maillot Bleus pourtant. Rep a sa ma belle morale. D’ailleurs, en passant, il semblerait que cette morale se voile aussi quand il s’agit de nos politiques. N’oublions pas que Nicolas Sarkozy, ancien Président de la République, président des Républicains, et certainement futur candidat pour reconquérir l’Élysée, est impliqué dans douze affaires judiciaires, dont deux où il est mis en examen. Que Jean-Christophe Cambadélis, Premier secrétaire du Parti socialiste, a falsifié ses diplômes. Que les époux Balkany sont cités dans l’affaire des #PanamaPapers aux côtés de Jérôme Cahuzac et de l’entourage de Jean-Noël Guérini et de Lepen. Le train de leur exemplarité roule sur le rail de la morale indifférente.
Sans génie dans cette Équipe de France, il était inconcevable de se priver de son meilleur élément. Voilà que la France va rentrer en guerre sur ses propres terres et se prive alors de sa meilleure arme.
Dans tout ça, heureusement qu’il nous reste Internet :
