C’est comme une bonne bouteille de vin. Ici le jour (a tout enseveli) de Feu! Chatterton est un album long en bouche, avec un rock qui accroche le palais et de la poésie qui diffuse ses parfums durant près d’une heure. Pendant que certains jeunes artistes français se morfondent dans un pathos onirique parfois embarrassant, à trop user de la nouvelle vague de la new-wave, Feu! Chatterton propose ici une élégante collection de chansons hors du temps, réaliste et romantique jusqu’au vertige. C’est dans une tonalité rock, libertaire et romantique que Feu! Chatterton officie dans les belles chansons à texte. Sombre et élégant. La grande sensation de la scène française en 2015.
C’est un verre qui m’a donné raison de rejeter une oreille sur le premier album de Feu! Chatterton. Lors de sa première écoute lors de sa sortie mi-octobre, je n’avais pas vraiment accroché. Je trouvais l’ensemble un peu lisse, je n’arrivais plus à m’identifier aux nouveaux titres, lassé des anciens aussi, je ne devais pas être dans mes beaux jours sur le moment. Car juste quelques verres avec le groupe et plusieurs mots avec le chanteur Arthur m’a permis de mieux comprendre cet album et surtout donné envie d’y rejeter une nouvelle oreille. Je dois dire que cela à bien fait la différence. Ici le jour (a tout enseveli) a une saveur certaine qui prend son temps. Une complexité qui ne m’avait pas touché à l’époque. Une douceur et une intelligence nouvelle. Une maturité qui n’existait pas lors de leur précédent EP que je n’avais pas forcément compris sur le moment. C’est justement le côté découverte qui me passionnait à l’époque. Et avec le succès, la consécration et l’ensemble de l’emballement de la presse, parfois un peu trop unanime à leur égard, avaient certainement donné raison à mon plaisir lors de mes premières écoutes. Pourtant ce Feu! Chatterton là est bel et bien un bon album. Il méritait alors quelques mots et une chronique par ici.
Ici le jour (a tout enseveli) est donc le premier album de Feu! Chatterton. Un groupe qui a gravi les échelons à grande vitesse cette année. A l’image d’un Fauve à qui ils ont souvent été comparé. A tord. Alors que Fauve parle à une génération, Feu! Chatterton s’exprime avec une langue bien plus poétique, pourtant grand public. La force de Feu! Chatterton réside surtout dans la complexité des arrangements et du rock que le groupe distille avec précision à chaque titre. Quand Arthur me parle de Radiohead, de Led Zeppelin, de Tame Impala ou encore Mac DeMarco autour de ces verres, je comprends alors qu’on a le goût des choses différentes et la curiosité en commun, et que forcément ça me parle. Forcément, j’aurai du mal à être objectif en écoutant leur album.
Feu! Chatterton c’est surtout un nouveau romantisme contemporain. Ils ne s’en cachent pas d’ailleurs, le nom du groupe est emprunté à Thomas Chatterton, ce jeune poète romantique du XVIIIè, qui a fasciné bon nombre d’artistes d’hier et d’aujourd’hui. Gainsbourg et Bashung notamment. Feu! Chatterton aurait beaucoup de mal à nier les références aussi bien du poète que des deux maîtres de la chanson française dont ils pourraient bien être les successeurs. Quoi qu’il en soit, cette filiation ne suffit pas à raconter et comprendre ce groupe dont l’alchimie sonore distille entre rock et littérature comme aucun groupe actuel. Toujours en équilibre entre lyrisme exalté et hargne contenue. Entre tension et décontraction. La grande force de Feu! Chatterton est bien là. Toujours jouer avec les mots et les émotions, et faire durer le plaisir. Ici le jour (a tout enseveli) est un album aussi bien complexe qu’envoûtant. Il se savoure avec le temps ; c’est à la fois un rock intemporelle très long en bouche et un objet littéraire savoureux. La fierté d’un groupe qui trace sa route dans le sillon des plus grands. Et qui risque bien de faire parler d’eux encore et encore en 2016.
Ici le jour (a tout enseveli) est sorti le 16 octobre chez Barclay et il s’écoute à la suite sur Spotify et Deezer.
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