Le camping infernal des Eurockéennes
Vous pouvez oublier votre four à la maison, la meilleure des cuissons s’obtient au camping des Eurockéennes. 58c degré à l’ombre au minimum. Des oeufs à cuire directement sur la tente. Avec cette canicule, le véritable festivalier, le vrai, celui qui souffre pour sa musique, se trouvait à quelques kilomètres du site de Malsaucy. Le camping a accueilli pas moins de 15 000 personnes cette année. Devenant alors la deuxième ville du département du Territoire de Belfort, après Belfort. J’y ai rencontré Clément, le maire de cette édition pour m’expliquer ce petit village. Discussion de comptoir avec une petite bière bien chaude au soleil :
La révélation Jeanne Added
Après l’enfer caniculaire du camping, direction le paradis musical aux Eurockéennes. La première tentation s’appelle Jeanne Added. Un ange tombé des ténèbres. Une véritable tornade de rock pur et sincère. Esthète venue du jazz, Jeanne Added propose avec brio un univers parfois pop, parfois électro, toujours sombre et élégante. Avec elle, les sens s’éveillent, les tympans s’exaltent et les arrangements suivent, réalisés avec Dan Levy, moitié de The Dø. Rare et précieux. Une révélation scénique ! Un album sensation à écouter d’urgence.
La plage de The Shoes avec Grunge
Il fait déjà très chaud sur le site de Malsaucy. 80c degré à l’ombre. Ca picole sec bouteille d’eau sur bouteille d’eau et recherche la moindre petite brise. La journée va être longue. Ce n’est certainement pas la mauvaise pop de Oscar and The Wolf qui pourra rafraichir l’ambiance. Un petit tour à la plage s’impose et la bonne surprise du jour est pour Grunge.
Cette année, les programmateurs des Eurockéennes invitent The Shoes à kicker la plage avec ses bons copains. La bonne scène pour prendre le soleil, spacieuse, avec du vent et des bonnes petites découvertes entre rock et électro. Grunge donc dans un premier temps, puis Broncho et Petite Noir ensuite. Projet parallèle mené à trois par des Rémois de renom – dont Guillaume Brière de The Shoes et Anthonin Ternant, l’ancien chanteur de The Bewitched Hands -, Grunge porte bien son nom, entre guitares cradingues et sauvageries déglinguées. L’apéro idéal après Jeanne Added et vu la chaleur autant transpirer encore un peu plus sur des sons bien crados. Du grunge et du garage sans filtre sont au menu de cette fête infernale, faux et volontaire comme il faut. Bonne surprise. A voir :
Essayons la folle rumeur Ibeyi du côté de Greenroom. Une musique que mes oreilles essayent encore d’oublier. Trop de discours, trop de bons sentiments, trop tout le temps, même pas de soul afro qu’on promettait tant. Fuyons de nouveau vers la plage et attendons.
Seasick Steve en bon professeur de blues
19 heures arrivent déjà : l’apéro bien entamé, il est temps d’apprendre deux-trois trucs sur le blues. Figure imposante, affable, toujours affublé d’une casquette et d’une salopette de garagiste US, Seasick Steve, bluesman sans pareil, hobo des temps modernes s’emploie à dégainer ses guitares bricolées maison et son delta blues rugueux. Le professeur idéal ! Ce redneck d’amour délivre en concert, un véritable écho aux plus belles pages de la musique américaine, entre ballades country et blues du Mississippi. Avec un humour des plus incisifs. Une révélation.
Découverte du rock japonais The Bawdies
Encore une fois, il suffit de se retourner pour continuer la fête. De la Grande Scène, c’est au tour du Club Loggia de proposer ses excellentes découvertes. Cette fois, c’est une nouveauté de la programmation. Une première pour les Eurockéennes, un partenariat avec un autre festival de renom : Summer Sonic du Japon. Cet été, alors que les festivaliers japonais découvriront trois groupes français, les spectateurs des Eurocks s’initieront à une sélection de la scène émergente nipponne en exclusivité. C’est The Bawdies qui ouvre le bal. Un rock venu tout droit du japon mais qui n’aurait rien à envier à l’Australie pour l’énergie ou l’Angleterre pour le style. Fascinant, The Bawdies met l’accent sur les riffs sixties, les lignes de basse emballantes, les salves soul à l’américaine, les breaks joyeux. Affamés, The Bawdies et son ambiance garage, son caractère enragé, confirment sans scrupule la belle forme du rock nippon. Un concentré de son brut imagé, loufoque et surtout bien rôdé. Une fête totale et une envie folle d’y être encore ! Salutations. Il fait chaud ? Ah bon ?
Vieille icône pop et pâle Etienne Daho
Le temps d’une bière, parce qu’il faut bien se rafraichir. Et voilà le Mr. Daho qui rentre sur scène. Sur le moment, on dit pourquoi pas, puis on se rend vite compte qu’on ne connait rien de lui. De ce “grand monsieur de la chanson française”. A part Week-end à Rome. Alors on attend le fameux titre. Ah oui, la reprise Boomerang de Gainsbourg, c’est vrai. Bref, l’icône fait pâle figure, fait le job, mais l’ennui commence à se faire ressentir très fortement. Son électro pop est dépassé par tout ce qu’on a pu voir depuis deux jours. Jeanne Added, The Dø pour ne citer qu’eux. La papi fait de la nostalgie sans trop faire de résistance.
Nouvelle icône pop et festive Christine and the Queens
C’est en se rapprochant tranquillou vers la Greenroom que l’on se rend compte de la popularité impressionnante d’Héloïse Letissier, la nouvelle Reine Christine. Christine & The Queens arrive sur scène acclamée par la foule jamais aussi dense que ce soir là. Héloïse rassemble les foules et surfe sur le moment. Elle a raison. Le moment est bon, dansant, festif, se partage avec tout le monde, sans se poser de question, la communion qu’on attendant pour Etienne Daho se retrouve devant Christine and The Queens. Son spectacle est fait pour tout le monde : “Ce soir, tu peux être qui tu veux… Et même danser sur de l’italo-disco !” Notre Dame des Victoires de la musique régale, s’amuse, mélange la chanson française, la pop et l’electro avec beaucoup de délicatesse et de justesse. Qu’on aime ou pas, cette dame est un véritable phénomène, à juste titre. Ses tubes Saint Claude, Nuit 17 à 52 ou Christine deviennent des hymnes repris en choeur par tous. L’hommage à Michael Jackson est simple et efficace, le show est sans demi-mesure, la danse est communicative. Cette Christine et ses Queens sont un des plus beaux succès de cette édition. Un 4 juillet en grande pompe.
Malaise Major Lazer
Le camping est de retour avec Major Lazer. Celui qui fait la Une de Confessions Intimes. Ce camping à la discothèque perdue dans les méandres de la dance music des années 90. Celle de Gala, Baha Men ou de Right Said Fred. Diplo trop occupé pour être sexy dans son tshirt en a oublié sa production. Major Lazer est une vaste blague de fiesta fluo où tu mets le plus d’effets et de confettis possible pour faire oublier la soupe que tu oses filer aux oreilles de tes fidèles. Même pas besoin de musiciens, les platines et les danseuses feront le reste. La foule est immense, jeune, perdu, festive sans trop savoir pourquoi. Le pire de la danse music mondiale. A interdire en festival. Une honte. La preuve en image.
Le véritable retour de The Shoes, enfin
Après la prestation indigeste au Festival Inrocks, The Shoes sont de retour sur scène avec une carte blanche offerte par les Eurockéennes. Enfin. L’évènement tant attendu, de pied ferme dans le sable de leur plage. Guillaume Brière et Benjamin Lebeau se savaient attendus, ils attendent aussi ce moment, ils ont été eux aussi déçu par cette première avortée l’année dernière. Alors voici pour la première fois aux Eurockéennes, leur tout nouveau spectacle pour leur prochain album Chemicals qui sortira en octobre. Et autant le dire directement : ça vaut le coup d’oeil et le coup de hanche. The Shoes a tout remis à plat : la setlist, les arrangements, les titres, la formation. Fini les percussionnistes debout lors de leur précédente tournée. Côte à côte, comme deux frangins, The Shoes s’entourent désormais de deux autres musiciens. Le show est précis, chirurgicale même, pas très humain dans les premières mesures. Le stress est palpable. L’envie l’est encore plus. Aussi bien sur scène que devant la scène. La pop sautille, l’électro fracasse. L’ambiance est torride et la fête prend petit à petit. Des écrans balancent un mix d’images du web qui n’est pas pour déplaire, bien au contraire. De Keyboard Cat à David After Dentist, tout y passe. The Shoes réussissent leur retour avec brio. Le potentiel d’un gros moment est évident. Reste à The Shoes de peaufiner tout ça, de régler les derniers détails. Pour une première, c’était une sacré première. Un avant-goût idéal pour la techno de Chemical Brothers qui va suivre.
La grosse claque The Chemical Brothers
Qui n’a jamais entendu Hey Boy, Hey Girl, le titre interplanétaire de The Chemical Brothers ? Pionnier du style big beat, électronique et électrisant, le duo anglais originaire de Manchester s’invite à nouveau sur les terres du Malsaucy avec leurs énormes beats techno et leur visuels spectaculaires. Vu l’immense foule massée devant la Grande Scène, Chemical Brothers était bien LE groupe le plus attendu de cette édition. À l’inverse, malgré l’annonce de leur séparation prochaine, les Foxygen dynamitaient leur pop psychédélique dans une relative indifférence. Bien fait pour eux… Bref, revenons au vrai spectacle. Le petit “Here we go !” donne le tempo d’un show à couper le souffle. Tom Rowlands et Ed Simons offrent un show millimétré d’une précision chirurgicale. Un spectacle qui tabasse du début à la faim. 1h30 de mix du meilleur des Chemical Brothers. Incroyable, hypnotique, physique. On me raconte qu’au loin Rone fait danser et kiffer la grosse foule venue s’amasser devant lui. Pas forcément étonnant. Mais The Chemical Brothers c’est clairement au dessus. Une référence. Une énorme claque. Retour au lit avec les oreilles qui sifflent. Dimanche réserve son lot de bons moments avec en tête la plage surprise de Red Bull, l’afro-blues de Songhoy Blues, le rock de Eagles of Death Metal et la grande classe d’Alabama Shakes.